Souvenir d’un voyage à Melreux par la Société « LA RENAISSANCE » de LA ROCHE en 1871

L’aurore au doigt de rose avait fait disparaître
Les ombres de la nuit, le jour venait de naître.
C’était vers la moisson, le Rochois endormi,
En sursaut réveillé, réveillait sa compagne ;
Le cor bruyant sonnait et de plus d’un ami
Annonçait le départ. Bientôt dans la montagne
On entendit l’écho d’un fanfare joyeux,
Les fenêtres s’ouvraient et de tendres adieux
S’échangeaient. Aussitôt le mouchoir blanc s’agite
Car le doux son des voix s’est perdu dans le vide.

Déjà le pont de l’Ourthe a fléchi sous nos pas ;
L’Anglais de nos hôtes nous lance ses vivats.
Voilà que nous sortons de l’antique cité,
La Roche paraît alors dans toute sa beauté.
À cent pieds du chemin serpente la rivière
Et d’un coup d’œil rapide on découvre à la fois
Dans son aspect charmant la ville toute entière,
Et notre vieux manoir, nos rochers et nos bois.
Dans un lointain d’azur, le clocher de l’église,
Son élégant tour, le vallon de Harzé,
Tout ce riant tableau devant nous a passé.
Nous sommes arrivés où le mont se divise,
Le tambour essoufflé !!! … d’un ton sonore « arrêtons ».
Alors la gourde en main, chacun remplit son verre
Et tous à nos santés, à grands coups nous buvons,
Les poumons réchauffés par le jus de Cythère,
Nous lançons de nouveau un hourrah solennel.
Dont l’écho se perdit dans les tours du Castel.

Ô muse, redis-moi sur ta touchante lyre,
Tous les heureux moments que ce beau jour m’inspire ;
La nature sourit à nos ardents transports ;
L’oiseau mêle son chant à nos divins accords.
Le neveu d’Apollon, embouchant sa trompette,
A donné le signal ; le tambour est en tête.
D’un pas ferme et marqué nous marchons bravement
Vingt voix ont entonné le retour au village,
Devant nous se déroule un riant paysage.
L’Ourthe, après un détour qui charme à tout moment
Reparaît de nouveau. Une heure est écoulée,
Au loin nous apparaît le fond de la vallée.
À Queue de vache, on dort d’un paisible sommeil
Le tambour en colère annonce son réveil.
Roulement sans effet : tout bruit fut inutile.
Allons, filons d’tili, nous gagnerons Jupille,
Ces gens ne savent pas comme il faut leur métier,
Et fronçant la moustache ainsi qu’un vieux troupier
Il s’élance en avant chantant avec vitesse
L’air de l’heureux mortel : « eh bien l’va ma richesse. »
Ruse guide, avec lui nous irons à bon port
Car penser autrement serait penser à tort.

Jupille est devant nous ; un enfant d’Esculape
Plein d’homéopathie, habite ces beaux lieux.
Ici commence donc notre première étape,
Une fille au teint frais, d’un air mystérieux
Apparaît sur le seuil de son humble demeure.
Son costume ardennais négligé du matin
Nous annonçait le pas de son cher Valentin —
« Bourgeoise, servez-nous votre boisson meilleure »
Dit le guide enchanté, frappé de ses beaux traits.
Sur un plateau l’aimant nous fut servi tout frais
Par la jeune créole, un excellent genièvre
Dont le goût prononcé dissipera la fièvre.
« Trésorier, déliez les cordons de votre bourse,
Et notre canne en main reprenons notre course. »