Shoûte on pô, to’m direû bin souk sa vou dire twai Nulay ?  

C’est un chemin empreint de curiosité qui nous conduit au plus macabre, du passé simple au passé endiablé.

Que voulait dire « NULAY » ? « NULLET » ? Nom encore porté aujourd’hui par l’actuel restaurant, place du Bronze à La Roche et également la rue juste après qui monte vers Ortho.

Voici ce qu’en dit la mémoire populaire, par suite des discussions avec Jeanne Gillet, Julien Denis, mes parents Yvonne & Albert Joie, et bien d’autres proches. Les conversations ont fusé principalement en wallon, plus savoureux et plus explicites pour arriver au bout de nos peines !

C’était sans rappeler qu’avant la seconde guerre le notaire de Leuze y avait exercé son ministère, et avant lui jusqu’au début de la première guerre Jules Boever y avait officié comme Docteur. Celui-ci, tout en même temps, menait une carrière politique sous l’égide catholique. Son engouement était tel qu’on le surnomma « Le Démon de Laroche » [1], il savait haranguer les foules, héritage qu’il laissa à son petit-fils controversé Léon Degrelle dont la mère Marie Boever provenait de la cité (fille de Jules & Catherine Boever-Marquet).

En approfondissant mes recherches sur cette rue du Nulay voilà que je me remémore, à la suite de mes interviews, ce que nos Vieux Carotchîs [2]  appelaient  « la rue de la Justice » auparavant, car c’est par là que passaient les condamnés à être pendus, se rendant sur Ceureux juste avant la Cresse du Corbeau au lieu d’exécution comme le rappelait le journal local « Le Larochois » [3], là les pendus restaient exposés au gibet pour servir d’exemple et par la même occasion servaient de repas aux corbeaux !

Ces oiseaux toujours affublés de la malédiction divine, messager entre le monde des vivants et des morts ! Les Celtes croyaient aussi aux messagers de l’au-delà !!

Un ancien Rochois expatrié à Spa, Léon Marquet, nous rappelle également que celle-ci fût appelée « rue de la Justice » par les Larochois [4] car à l’époque féodale ce chemin conduisait à la potence sur le plateau de Ceureux (Soeret) où se situait le gibet, endroit où l’on exécutait par pendaison, en 1559 il est déjà cité comme chemin y menant. [5]

Suite à une discussion avec un des anciens habitants de la rue Sœret mon ami Jean-Marie Caprasse conforté par le témoignage de Lucienne Fourny, on peut se remémorer que pour se rendre à l’échafaud les condamnés devaient passer par un lieu-dit « Trawèye pîre », lui aussi repris par Léon Marquet op citum p. 29.

Tel un portique vers une sinistre destinée …

Et pourtant, mon témoin me rappelait qu’à cet endroit, si on se retournait, on bénéficiait d’une vue idyllique sur La Roche… A une époque surtout, où elle était certes encore dénuée de végétations et d’habitations !

Quel paradoxe.

Fichtre « le Démon de Laroche », les exécutions au gibet, c’est ici que l’on commencerait à comprendre le contexte, comme le soulevait mon groupe de discussion initial « Ben aïîe, on l’zi èvoyèf des noulèyes d’injures et tote sôrtt di misèrr, on pô comme les macrâles di dvin l’tin », en vérifiant dans le dictionnaire de Louis Remacle il note « jeter la noulée », comme des sorts jetés par les sorcières ;  Gothier dit dans le sien « énuler , couvrir de… » ; Jean Haust parle lui  « d’obscurcir », approprié aux circonstances s’il en est.

En ces temps reculés des âmes plus poétiques voyant s’en aller les condamnés vers d’autres cieux, donc vers les nuages, auraient pu nommer Nulay le chemin qui y menait.

J’étais loin d’imaginer que ce terrain de jeu qu’était la place du Bronze et la rue Nulay, Cher au Club des Cinq [6], nous cachait un passé aussi funeste, bien évidemment avant nous, existait des personnes controversées ou pas, qui inscrivaient le pavé des rues « di nosse bon Vî Fâbor ! » (Faubourg).

 Yves Joie

Illustrations Arch’Yves Joie

[1] Surnom issu du livre : Un homme, un chef, Léon Degrelle / Usmard Legros.-Editions Rex, Bruxelles 1937

[2] Surnom des gens de La Roche.

[3] À la date du 01 décembre 1889 l’article du journal met en avant l’historique du nom des rues de la ville. Curieusement je termine mon exposé à la Saint Eloi 2023, 134 ans après la parution de son article.

[4] Ancien nom des gentilés de Laroche, avant que la ville ne change d’orthographe et devienne La Roche entraînant le citoyen à devenir le rochois !

[5] Léon Marquet « La voirie ancienne et le pont de La Roche » bulletin trimestriel institut archéologique du Luxembourg de juillet 2004 1-2.

[6] Mes amis d’enfance et voisins, Daniel Moussebois, Charly Nollomont, Luc Thérer, Didier Hozay et moi-même.

Illustrations : Arch’Yves Joie

Notes extraites de Google :

Dans notre folklore, les personnages intrigants se succèdent. Mais contrairement aux nutons, aux fées, aux loups-garous ou au diable, il y avait également les sorcières, que l’on appelle aussi macrâles, macralles ou makrales, qui, elles, ont réellement existé. Les anciens nous ont tous déjà raconté des histoires dans lesquelles certaines vieilles dames marginales du village étaient considérées comme des « jeteuses de sort ». Mais qui récoltaient les plantes médicinales, les « simples », qui suppléaient aux déficiences de la médecine de l’époque.

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